Prestation compensatoire et disparités patrimoniales, méthodes de calcul

Je suis parfois interrogée pour savoir si les juges prennent en compte les différences de patrimoine entre les époux ou seulement les différences de revenus pour apprécier le montant d’une prestation compensatoire.

Les calculs auxquels on aboutit en utilisant les différentes méthodes laissent parfois dubitatif tant on aboutit à des chiffres différents , variant parfois de un à dix.

Pour mémoire , on distingue deux types de méthodes de calcul :

les méthodes simples dites empiriques basées uniquement sur la différence de revenus entre les époux et l’une tenant également compte de la durée du mariage .

https://www.ferranteavocat.com/calcul-de-la-prestation-compensatoire-methodes-empiriques/

Les méthodes plus détaillées , dites globalisantes , qui tiennent compte non seulement des différences de revenus mais également des différences patrimoniales, de la capacité d’épargne , et plus largement de l’ensemble des situations des époux . On compte parmi ces méthodes la méthode Depondt , la méthode David, la méthode Saint Léon , la méthode Pilote PC.

https://www.ferranteavocat.com/prestation-compensatoire-methode-saint-leon/https://www.ferranteavocat.com/calcul-de-la-prestation-compensatoire-la-methode-axel-dupont/

Il est vrai que les juges ne sont liés par aucune méthode de calcul .

S’il est simple de se référer aux méthodes dites empiriques qui ne tiennent compte que de la différence de revenus et pour certaines de la durée du mariage , cela n’a guère de sens lorsqu’il existe des différences patrimoniales importantes .

Il faudra donc que l’avocat effectue le travail préparatoire pour apprécier le montant de la prestation compensatoire en utilisant les méthodes tenant compte des différences patrimoniales et il sera souvent opportun de communiquer ces calculs dans le cadre de la procédure.

Les résultats restent toutefois différents entre les différentes méthodes globalisantes ( Axel Depondt, Saint Léon, David, Pilote PC) .

Mais surtout le travail de l’avocat sur l’appréciation de la prestation compensatoire ne se limite pas aux méthodes de calcul et il conviendra de développer une argumentation soignée sur l’ensemble des critères de l’article 271 du Code civil pour emporter l’adhésion du juge.

En effet aux termes de cet article :

“La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

A cet effet, le juge prend en considération notamment :

– la durée du mariage ;

– l’âge et l’état de santé des époux ;

– leur qualification et leur situation professionnelles ;

– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

– leurs droits existants et prévisibles ;

– leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.”

Le montant de la prestation compensatoire qui sera retenue par le juge ne sera donc pas exclusivement liée aux méthodes de calcul.

Par ailleurs, lorsque le patrimoine de l’autre époux n’est pas connu avec précision , il sera nécessaire de solliciter la désignation d’un notaire sur le foncement de l’article 255-9 et éventuellement 255-10 du Code civil au titre des mesures provisoires.

Aux termes de cet article , le juge peut “

9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;

10° Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.”

Il sera souvent nécessaire de demander cette désignation , l’époux le plus fortuné n’étant pas nécessairement enclin à valoriser correctement son patrimoine.

Dominique Ferrante

Avocat à Paris

Prestation compensatoire Méthode Saint Léon

Parmi les méthodes de calcul de la prestation compensatoire , on cite souvent la méthode Saint Léon :

Dans cette méthode on calcule dans un premier temps le revenu mensuel global de chacun des époux ( revenus du travail + revenus du capital )

On calcule le différentiel mensuel .

On calcule si possible les charges fixes mensuelles incompressibles de chacun des époux.

On déduit l’unité de mesure qui est la moitié du différentiel mensuel charges fixes déduites.

On prend ensuite en compte deux correctifs :

1er correctif : Coefficient lié à l’âge  du créancier :

De 16 à 30 : 1

De 31 à 35 : 2

De 36 à 40 : 3

De 41 à 45 : 4

De 46 à 50 : 5

De 51 à 55 : 6

De 56 à 60 : 7

De 61 à 65 : 8

De 66 à 70 : 9 ( par extension)

2ème correctif : Coefficient lié à la durée du mariage :

De 0 à 4 : 3

De 5 à 9 : 6

De 10 à 14 : 9

De 15 à 19 : 12

De 20 à 24 : 15

De 25 à 29 : 18

De 30 à 34 : 21

De 35 à 39 : 24

De 40 à44 : 27

De 45 à 49 : 30

De 50 à 54 : 33

De 55 à 59 : 36

De 60 à 64 : 39

De 65 à 69 : 42

La prestation compensatoire est égale à la somme des deux coefficients multiplié par 3 multiplié par l’unité de mesure .

Dominique Ferrante

Avocat à Paris

Vie commune et prestation compensatoire

Certains époux ont vécu longtemps ensemble , parfois très longtemps avant de se marier. Or selon un jurisprudence bien établie, la vie commune antérieure au mariage est sans aucune incidence sur la prestation  compensatoire et n’a pas à être prise en compte.

La Cour de Cassation vient de le rappeler dans un arrêt du 5 décembre 2018 ( Civ 1ère N° 17-28345). Dans cette affaire l’épouse avait collaboré à l’activité professionnelle de son époux et la vie commune avait duré 6 ans , le mariage ayant été célébré deux ans avant la séparation. L’épouse avait obtenu une prestation compensatoire de 12 000 €.  La Cour de Cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’Appel  et réaffirme que ” les juges du fond n’ont pas à tenir compte de la vie commune antérieure au mariage pour déterminer les ressources et les besoins des époux en vue de la fixation de la prestation compensatoire.”

Dominique Ferrante

Avocat à PARIS

Prestation compensatoire: appréciation des disparités

Dans une affaire récemment soumise à la Cour de cassation, la cour d’appel de Grenoble avait accordé à l’épouse une prestation compensatoire en capital de 28 800 € en se fondant sur la situation respective des époux et en retenant au titre des revenus dont l’épouse disposait , les allocations familiales et la contribution du père pour l’éducation et l’entretien des enfants. La Cour d’Appel est logiquement censurée par la Cour de Cassation qui rappelle que les prestations familiales sont destinées à l’entretien des enfants et ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux. Pour les mêmes motifs, le juge ne peut pas prendre en considération les sommes versées pour l’entretien et l’éducation des enfants pour apprécier le droit à prestation compensatoire d’un époux. ( Cass Civ 1ère 14 janvier 2015 N° 13-27319).
Dominique Ferrante Avocat

Prestation compensatoire et fixation de la pension alimentaire pour les enfants

Dans une affaire récemment soumise à la Cour de Cassation ( 1ère chambre civile 19 novembre 2014 N° 13/23732), l’ex-épouse sollicitait une augmentation de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants postérieurement au divorce. Elle invoquait une baisse de ses revenus. la Cour d’Appel la déboute de sa demande en estimant que sa situation financière ne s’était pas dégradée depuis le jugement de divorce en prenant en considération les 500€ mensuels que l’ex-épouse percevait à titre de prestation compensatoire.
La Cour d’Appel est sanctionnée par la Cour de Cassation dans cet arrêt publié au bulletin. La Cour considère en effet que ” la prestation compensatoire, destinée à compenser la disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la rupture du mariage, n’a pas à être incluse dans l’appréciation des ressources de l’époux à qui elle est versée pour la fixation de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants.”

Divorce : prestation compensatoire, choix professionnels faits par l’un des époux pour favoriser la carrière du conjoint

Dans un arrêt du 8 Octobre 2014 ( N° 13-23044), la première chambre civile de la Cour de Cassation rappelle que par application de l’article 271 du Code civil, le juge prend en considération pour fixer la prestation compensatoire, les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne.
Dans cette affaire , les deux époux étaient sous-officiers dans l’armée de l’air . L’épouse avait sollicité des mutations successives pour suivre son mari dans ses différentes affectations. Le juge de première instance avait accordé à l’épouse une prestation compensatoire de 95 600 € , ramenée à 50 000 € par la Cour d’Appel. La Cour d’appel avait considéré que si l’épouse invoquait qu’elle avait sacrifié sa propre carrière pour suivre son mari , ces décisions avaient été prises d’un commun accord et dans l’intérêt du ménage. La Cour d’Appel est sanctionnée par la Cour de cassation , qui considère ces motifs inopérants.

Calcul de la prestation compensatoire: Méthodes empiriques

Aux termes de l’article 270 du code civil: “le divorce met fin au devoir de secours entre époux.L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible , la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire…”

L’article 271 du Code civil précise que ” la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.”

A cet effet, le juge prend en considération, notamment:

– la durée du mariage;

– l’âge et l’état de santé des époux;

– leur qualification et leur situation professionnelle;

– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière du conjoint au détriment de la sienne;

– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial;

– leurs droits existants et prévisibles;

– leur situation respective en matière de pension de retraite,en ayant estimé ,autant qu’il est possible , la diminution des droits à la retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.”

Il ne s’agit pas d’égaliser les situations entre les époux , mais de compenser les disparités dans les conditions de vie de chacun , entraînées par la rupture du mariage.

En ce qui concerne le calcul de la prestation compensatoire, aucun mode de calcul ne s’impose au juge .Il existe toutefois un certain nombre de méthodes de calcul auxquelles on peut se référer. Une préparation soigneuse du dossier et le talent de l’avocat sont de nature à influencer considérablement le résultat.

Il existe deux types de méthodes: les méthodes empiriques et les méthodes dites globalisantes.

les premières sont simples à appliquer mais ne reflètent généralement pas fidèlement la situation des parties car elles ne tiennent pas compte d’un certain nombre de critères visés par l’article 271 du Code civil.

Dans les méthodes dites globalisantes , on essaie de tenir compte d’un plus grand nombre d’éléments tels que l’âge du créancier, le nombre d’enfants, la capacité d’épargne , la durée du mariage …

Les méthodes empiriques:

1/ méthode basée uniquement sur le différentiel de revenus entre les deux époux:

20% de la différence mensuelle de revenus x 12 x 8

Exemple :

revenu annuel Madame: 25 000 €

revenu annuel Monsieur: 80 000 €

différentiel annuel: 55 000

différentiel mensuel: 4583

Prestation compensatoire = 916 ,6 ( 20% différentiel mensuel) x12 x 8 = 87 999 €

2/ Méthode tenant compte de la différence de revenus et de la durée du mariage:

1/3 du différentiel annuel x moitié de la durée du mariage

Exemple :

revenu annuel Madame: 25 000 €

revenu annuel Monsieur: 80 000 €

différentiel annuel: 55 000

Durée du mariage : 8 ans

prestation compensatoire:

18 333 ( 1/3 du différentiel annuel ) x 4 ( moitié de la durée du mariage ) = 73 332 €

3/ Méthode se référant à la pension alimentaire accordée dans l’ordonnance de non conciliation au titre du devoir de secours:

pension alimentaire x 12 x 8

exemple :

revenu Madame: 25 000 €

revenu Monsieur: 80 000 €

pension alimentaire fixée par le juge au titre du devoir de secours : 800 € par mois

Prestation compensatoire= 800 x 12 x 8 = 76800

4/ méthode se référant à la pension alimentaire accordée par le juge au titre du devoir de secours et à la durée du mariage:

Pension alimentaire x 12 x moitié de la durée du mariage / 2

exemple:

revenu Madame: 25 000 €

revenu Monsieur: 80 000 €

pension alimentaire fixée par le juge : 800 €

durée du mariage : 8 ans

Prestation compensatoire= 800 x 12 x 4 ( moitié durée du mariage) le tout divisé par 2 = 19 200

5/ méthode utilisant le coefficient de substitution d’un capital à une rente ( Stéphane David) :

pension alimentaire x 12 x valeur de substitution ( décret N° 2004-1157 du 29/10/2004)

exemple:

revenu Madame: 25 000 €

revenu Monsieur: 80 000 €

durée du mariage: 8 ans

âge de Madame: 30 ans

pension alimentaire fixée par le juge au titre du devoir de secours: 800 € mensuels

Prestation compensatoire = 800 x 12 x 6,844 = 65 702 €