Prestation compensatoire et héritage

Selon une jurisprudence constante la vocation successorale des époux ne rentre pas en ligne de compte dans l’appréciation d’une prestation compensatoire.

Il ne s’agit pas d’un droit prévisible au sens de l’article 271 du Code civil.

En effet , même les héritiers reservataires n’héritent pas forcément, le patrimoine pouvant être dilapidé avant décès.

Il n’en est pas de même lorsqu’on a déjà reçu par donation la nue propriété d’un bien immobilier , les donateurs s’en réservant l’usufruit.

Dans ce cas en effet celui qui a reçu la donation est déjà propriétaire de la nue propriété celle ci fait donc partie de son patrimoine.

Il ne s’agit donc plus d’un droit prévisible au regard de la prestation compensatoire mais bien d’un élément du patrimoine. A ce titre la nue propriété d’un bien immobilier va être prise en compte dans l’appréciation d’une prestation compensatoire et doit figurer dans la déclaration sur l’honneur prévue par l’article 272 du Code civil.

Dominique Ferrante

Avocat Divorce et droit de la famille Paris

Prestation compensatoire et disparités patrimoniales, méthodes de calcul

Je suis parfois interrogée pour savoir si les juges prennent en compte les différences de patrimoine entre les époux ou seulement les différences de revenus pour apprécier le montant d’une prestation compensatoire.

Les calculs auxquels on aboutit en utilisant les différentes méthodes laissent parfois dubitatif tant on aboutit à des chiffres différents , variant parfois de un à dix.

Pour mémoire , on distingue deux types de méthodes de calcul :

les méthodes simples dites empiriques basées uniquement sur la différence de revenus entre les époux et l’une tenant également compte de la durée du mariage .

https://www.ferranteavocat.com/calcul-de-la-prestation-compensatoire-methodes-empiriques/

Les méthodes plus détaillées , dites globalisantes , qui tiennent compte non seulement des différences de revenus mais également des différences patrimoniales, de la capacité d’épargne , et plus largement de l’ensemble des situations des époux . On compte parmi ces méthodes la méthode Depondt , la méthode David, la méthode Saint Léon , la méthode Pilote PC.

https://www.ferranteavocat.com/prestation-compensatoire-methode-saint-leon/https://www.ferranteavocat.com/calcul-de-la-prestation-compensatoire-la-methode-axel-dupont/

Il est vrai que les juges ne sont liés par aucune méthode de calcul .

S’il est simple de se référer aux méthodes dites empiriques qui ne tiennent compte que de la différence de revenus et pour certaines de la durée du mariage , cela n’a guère de sens lorsqu’il existe des différences patrimoniales importantes .

Il faudra donc que l’avocat effectue le travail préparatoire pour apprécier le montant de la prestation compensatoire en utilisant les méthodes tenant compte des différences patrimoniales et il sera souvent opportun de communiquer ces calculs dans le cadre de la procédure.

Les résultats restent toutefois différents entre les différentes méthodes globalisantes ( Axel Depondt, Saint Léon, David, Pilote PC) .

Mais surtout le travail de l’avocat sur l’appréciation de la prestation compensatoire ne se limite pas aux méthodes de calcul et il conviendra de développer une argumentation soignée sur l’ensemble des critères de l’article 271 du Code civil pour emporter l’adhésion du juge.

En effet aux termes de cet article :

“La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

A cet effet, le juge prend en considération notamment :

– la durée du mariage ;

– l’âge et l’état de santé des époux ;

– leur qualification et leur situation professionnelles ;

– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

– leurs droits existants et prévisibles ;

– leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.”

Le montant de la prestation compensatoire qui sera retenue par le juge ne sera donc pas exclusivement liée aux méthodes de calcul.

Par ailleurs, lorsque le patrimoine de l’autre époux n’est pas connu avec précision , il sera nécessaire de solliciter la désignation d’un notaire sur le foncement de l’article 255-9 et éventuellement 255-10 du Code civil au titre des mesures provisoires.

Aux termes de cet article , le juge peut “

9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;

10° Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.”

Il sera souvent nécessaire de demander cette désignation , l’époux le plus fortuné n’étant pas nécessairement enclin à valoriser correctement son patrimoine.

Dominique Ferrante

Avocat à Paris

Prestation compensatoire et patrimoine commun

Le montant du patrimoine commun à partager est indifférent pour apprécier le droit à une prestation compensatoire.

C’est ce que vient de rappeler la Cour d’Appel de Montpellier saisie sur renvoi après cassation, dans un arrêt du  13 septembre 2017.

Dans cette affaire, les époux avaient été mariés 32 ans et avaient constitué un patrimoine commun important au cours de la vie commune. L’épouse n’avait pas travaillé et s’était consacrée à l’éducation des enfants communs. Le mari considérait  qu’il n’y avait pas lieu à prestation compensatoire, l’épouse allant percevoir un capital important dans le cadre de la liquidation de la communauté ( capital constitué pendant la vie commune et alors que seul le mari travaillait) ; il considérait que son épouse pourrait puiser dans ce capital pour maintenir son train de vie.

La Cour d’appel de Montpellier condamne l’époux au paiement d’une prestation compensatoire de 200 000 € . Le patrimoine commun ayant vocation à être partagé à égalité et ayant été constitué pendant la vie commune avec l’aide directe ou indirecte des deux époux, n’a pas à être pris en compte.

La cour d’appel constate en revanche que la rupture du mariage va bien entraîner des disparités dans les conditions de vie respectives des époux, puisque l’épouse s’étant consacrée à l’éducation des enfants, ses droits à la retraite seront très réduits, or la prestation compensatoire vise à rétablir un équilibre tenant compte des choix de vie opérés en commun pendant le mariage.

Le fait qu’il existe en l’espèce un patrimoine commun important à partager ne supprime pas les disparités que la rupture du mariage va entraîner dans les conditions de vie respectives des époux.

Dominique FERRANTE

Avocat à PARIS