Résidence alternée et conflits entre les parents

Dans un arrêt du 3 mars dernier ( N° 05/17163 ) il était fait grief à la Cour d’Appel d’avoir rejeté le demande de résidence alternée faite par le père . La Cour considère que l’enfant née en 1995 “avait toujours vécu chez sa mère qui présentait les aptitudes nécessaires pour l’élever et en raison de graves dissenssions entre les parents , le règime d’une résidence alternée n’apparaissait pas compatible avec les besoins d’épanouissement et d’équilibre de l’enfant “.

Il est en effet difficile de mettre en place une résidence alternée en cas de graves conflits entre les parents . la solution peut néanmoins s’avérer injuste lorsque c’est le parent “gardien ” qui est générateur de conflit .

Le juge aux affaires familiales peut décider la mise en place provisoire de la résidence alternée dans ce type de cas .

La prestation compensatoire est-elle due lorsque les disparités dans les situations des époux sont dues à des choix personnels ?

Dans deux arrêts du 6 mars 2007, la première chambre civile de la Cour de cassation sème le trouble tant les deux décisions semblent contradictoires.

Dans le premier arrêt , la Cour rejette la demande de prestation compensatoire formée par le mari au motif que s’il existe une disparité dans les conditions de vie respectives des époux , cette disparité ne résulte pas de la rupture du mariage , mais du fait que le mari a peu travaillé durant sa vie professionnelle .

Le mari prétendait pour sa part qu’il s’agissait d’un choix commun .

Le principe paraît donc clairement posé par la Cour : La disparité consécutive à un choix de vie personnel ne peut ouvrir droit à prestation compensatoire.

Dans le second arrêt , la disparité entre les époux résulte notamment du fait que l’épouse ait choisi de quitter son pays d’origine, en l’occurence le Niger, pendant la procédure de divorce . Il se trouve que l’épouse aurait plus aisément trouvé du travail au Niger qu’en France , le coût de la vie y étant en outre moins élevé.

La Cour de Cassation considère néanmoins que les juges du fond n’ont pas à s’expliquer sur le choix de l’épouse de quitter le Niger.

Il s’agit pourtant bien d’un choix personnel, postérieur à la séparation des époux et qui aggrave les disparités .

La position de la Cour prête à confusion :

Le premier arrêt suscite une question souvent soulevée devant les juridictions:

De nombreuses femmes ont peu travaillé durant la vie commune parce qu’elles ont consacré du temps aux enfants. L’épouse devra-elle désormais établir qu’il s’agissait d’un choix commun ?

En effet , souvent le mari évoquera un choix personnel de son épouse d’élever les enfants.

D’où l’utilité de définir le choix commun et de préciser le sort du choix personnel ayant bénéficié à la famille .

Le deuxième arrêt fait quant à lui peser sur l’époux un choix manifestement personnel de la femme postérieur à la séparation , ce qui est contradictoire et injuste dans la mesure où ce choix purement personnel ne saurait bénéficier à la famille.

La durée du mariage, critère d’appréciation des disparités des articles 270 et 271 du Code Civil. Une peau de chagrin ?

Aux termes de l’article 270 du Code Civil, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité de la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.

Selon l’article 271, le juge prend en compte notamment la durée du mariage.

Dans deux arrêts du 16 Avril 2008, la première Chambre Civile de la Cour de Cassation vient préciser de manière restrictive ce qu’il faut entendre par durée du mariage.

Dans la première espèce (arrêt 453) il était reproché à la Cour d’Appel de ne pas avoir tenu compte de la durée de concubinage ayant précédé le mariage.

La Cour de Cassation considère que les juges du fond n’ont pas à tenir compte
de la vie commune antérieure au mariage pour déterminer les besoins et les ressources des époux en vue de la fixation de la prestation compensatoire .

En l’espèce , il y avait 19 ans de vie commune avant le mariage , mais dont les juges n’avaient pas à tenir compte !

Même si cela peut être injuste , la solution est logique dans la mesure où la vie commune avant le mariage correspond à la durée de l’union entre deux individus , mais pas à la durée du mariage , seule visée par l’article 271 du Code Civil.

Dans le second arrêt ( 454) la Cour vient limiter l’appréciation de la durée du mariage elle même et ce de manière plus contestable :

En effet , dans ce cas, les époux s’étaient séparés en 1999, deux ans avant l’ordonnance de non-conciliation les autorisant à résider séparément , le jugement de divorce n’ayant été prononcé qu’en 2005 , soit six ans après la séparation de fait des époux.

La Cour d’Appel avait considéré qu’aux termes de l’article 271 du Code Civil , le juge devait prendre en considération la durée du mariage jusqu’à ce que le jugement de divorce soit deveu définitif et non celle de la vie commune qui avait cessé cinq ans auparavant .

Il n’y avait donc pas lieu de tenir compte de la séparation des époux, qu’elle soit de fait ou judiciairement autorisée pour fixer le montant de la prestation compensatoire.

La Cour de Cassation casse cet arrêt d’Appel considérant que ” dans la détermination des besoins et des ressources en vue de la fixation de la prestation compensatoire, le juge peut prendre en compte la durée de la vie commune postérieure au mariage . “

Or, la durée de la vie commune postérieure au mariage était en l’espèce nettement plus courte que la durée du mariage , pourtant expressément visée par l’article 271 du Code Civil.

En résumé , pour fixer le montant de la prestation compensatoire, on ne tient compte désormais que de la vie commune pendant le mariage, à l’exclusion de la vie commune antérieure au mariage et de la période de vie séparée des époux avant le divorce.

Si l’on imagine un couple ayant vécu ensemble 10 ans avant de se marier , se séparant au bout de cinq ans de mariage , le divorce étant devenu définitif six ans après la séparation , la durée du maraige à prendre en compte pour fixer le montant de la prestation compensatoire sera de cinq ans , pour une histoire ayant duré 21 ans .

Cette solution peut s’avérer profondément injuste pour l’époux ou l’épouse abandonné(e) par son conjoint :

jusqu’au divorce , il restera en effet tenu au devoir de secours et au paiement éventuel de dettes communes ; mais lorsqu’il s’agira , peut-être des années plus tard d’apprécier le montant de la prestation compensatoire, on se réfèrera désormais à la seule durée de vie commune pendant le mariage .