La durée du mariage, critère d’appréciation des disparités des articles 270 et 271 du Code Civil. Une peau de chagrin ?

Aux termes de l’article 270 du Code Civil, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité de la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.

Selon l’article 271, le juge prend en compte notamment la durée du mariage.

Dans deux arrêts du 16 Avril 2008, la première Chambre Civile de la Cour de Cassation vient préciser de manière restrictive ce qu’il faut entendre par durée du mariage.

Dans la première espèce (arrêt 453) il était reproché à la Cour d’Appel de ne pas avoir tenu compte de la durée de concubinage ayant précédé le mariage.

La Cour de Cassation considère que les juges du fond n’ont pas à tenir compte
de la vie commune antérieure au mariage pour déterminer les besoins et les ressources des époux en vue de la fixation de la prestation compensatoire .

En l’espèce , il y avait 19 ans de vie commune avant le mariage , mais dont les juges n’avaient pas à tenir compte !

Même si cela peut être injuste , la solution est logique dans la mesure où la vie commune avant le mariage correspond à la durée de l’union entre deux individus , mais pas à la durée du mariage , seule visée par l’article 271 du Code Civil.

Dans le second arrêt ( 454) la Cour vient limiter l’appréciation de la durée du mariage elle même et ce de manière plus contestable :

En effet , dans ce cas, les époux s’étaient séparés en 1999, deux ans avant l’ordonnance de non-conciliation les autorisant à résider séparément , le jugement de divorce n’ayant été prononcé qu’en 2005 , soit six ans après la séparation de fait des époux.

La Cour d’Appel avait considéré qu’aux termes de l’article 271 du Code Civil , le juge devait prendre en considération la durée du mariage jusqu’à ce que le jugement de divorce soit deveu définitif et non celle de la vie commune qui avait cessé cinq ans auparavant .

Il n’y avait donc pas lieu de tenir compte de la séparation des époux, qu’elle soit de fait ou judiciairement autorisée pour fixer le montant de la prestation compensatoire.

La Cour de Cassation casse cet arrêt d’Appel considérant que ” dans la détermination des besoins et des ressources en vue de la fixation de la prestation compensatoire, le juge peut prendre en compte la durée de la vie commune postérieure au mariage . “

Or, la durée de la vie commune postérieure au mariage était en l’espèce nettement plus courte que la durée du mariage , pourtant expressément visée par l’article 271 du Code Civil.

En résumé , pour fixer le montant de la prestation compensatoire, on ne tient compte désormais que de la vie commune pendant le mariage, à l’exclusion de la vie commune antérieure au mariage et de la période de vie séparée des époux avant le divorce.

Si l’on imagine un couple ayant vécu ensemble 10 ans avant de se marier , se séparant au bout de cinq ans de mariage , le divorce étant devenu définitif six ans après la séparation , la durée du maraige à prendre en compte pour fixer le montant de la prestation compensatoire sera de cinq ans , pour une histoire ayant duré 21 ans .

Cette solution peut s’avérer profondément injuste pour l’époux ou l’épouse abandonné(e) par son conjoint :

jusqu’au divorce , il restera en effet tenu au devoir de secours et au paiement éventuel de dettes communes ; mais lorsqu’il s’agira , peut-être des années plus tard d’apprécier le montant de la prestation compensatoire, on se réfèrera désormais à la seule durée de vie commune pendant le mariage .