Réforme du divorce : Les mesures provisoires

le régime des mesures provisoires est profondément modifié par la réforme du divorce entrée en application le 1er janvier 2021.

Jusqu’ici la requête initiale en divorce ne comportait que des demandes de mesures provisoires destinées à être en application pendant la durée la procédure. Ce n’était qu’après l’ordonnance de non conciliation que les demandes définitives du divorce étaient formulées.

La réforme du divorce bouleverse totalement ce schéma.

L’époux demandeur ( ou les époux en cas de requête conjointe) doivent dès la demande initiale formuler les demandes définitives.

Il reste possible de former des demandes de mesures provisoires, dont le régime est désormais définis aux articles 1117 à 1121 du code de procédure civile.

En effet il est souvent nécessaire d’organiser la vie de la famille pendant la durée de la procédure et il restera donc indispensable de former des demandes provisoires. Si les époux vivent ensemble au domicile familial il sera nécessaire de statuer sur l’attribution de la jouissance du domicile pendant la procédure et sur son caractère gratuit ou onéreux.

De même , en présence d’enfants, il faut fixer leur résidence , les pensions et les droits de visite et d’hébergement de l’autre parent.

Les mesures provisoires qu’il est possible de solliciter restent les mêmes que sous l’empire de l’ancienne loi . Ces mesures sont définies à l’article 255 du Code civil .

Le juge peut notamment :

1° Proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;

2° Enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation ;

3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;

4° Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation ;

5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;

6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;

7° Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;

8° Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;

9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;

10° Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.

Si les mesures provisoires que l’on peut solliciter restent les mêmes, leur régime est modifié.

Aux termes de l’article 1117 du Code de procédure civile :

” A peine d’irrecevabilité, le juge de la mise en état est saisi des demandes relatives aux mesures provisoires prévues aux articles 254 à 256 du code civil formées dans une partie distincte des demandes au fond, dans l’acte de saisine ou dans les conditions prévues à l’article 791.

Les parties, ou la seule partie constituée, qui renoncent à formuler une demande de mesures provisoires au sens de l’article 254 du code civil l’indiquent au juge avant l’audience d’orientation ou lors de celle-ci. Chaque partie, dans les conditions de l’article 789, conserve néanmoins la possibilité de saisir le juge de la mise en état d’une première demande de mesures provisoires jusqu’à la clôture des débats.

Si une ou plusieurs des mesures provisoires prévues aux articles 254 à 256 du code civil sont sollicitées par au moins l’une des parties, le juge de la mise en état statue.

Lors de l’audience portant sur les mesures provisoires, les parties comparaissent assistées par leur avocat ou peuvent être représentées.

Elles peuvent présenter oralement des prétentions et des moyens à leur soutien. Les dispositions du premier alinéa de l’article 446-1 s’appliquent.

Lorsqu’il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les accords que les époux ont déjà conclus entre eux.

Le juge précise la date d’effet des mesures provisoires. “

Les mesures provisoires sont donc formées dans l’assignation ou la requête conjointe dans une partie distincte des demandes au fond.

Il n’est pas obligatoire de former des demandes provisoires et le demandeur peut y renoncer en l’indiquant soit dans l’acte introductif d’instance , soit lors de l’audience d’orientation.

C’est la une nouveauté de la réforme puisqu’en effet jusque là la procédure commençait nécessairement par des mesures provisoires.

Si le demandeur ne forme pas de demande de mesures provisoires, le défendeur garde la possibilité de faire des demandes provisoires.

Une autre nouveauté réside dans le fait qu’il sera possible jusqu’à la clôture des débats de former des demandes de mesures provisoires.

De plus les parties ne seront plus nécessairement présentes à l’audience d’orientation et peuvent être représenter par leur avocat. le juge ne s’entretiendra plus séparément avec chacune des parties comme il le faisait jusqu’ici.

Enfin il faudra désormais prendre garde à la date des effets des mesures provisoires . L’article 1117 indique en effet que le juge précise la date d’effet des mesures provisoires. jusqu’ici les mesures provisoires prenaient effet à la date de l’ordonnance de non conciliation. Il appartient désormais aux avocats de demander à quelle date les mesures provisoires prendront effet , des dates différentes étant possibles selon les mesures.

Dominique Ferrante

Avocat à Paris

Réforme du divorce 2020: Pourra-t-on toujours demander des mesures provisoires?

La réforme du divorce judiciaire qui doit entrer en application le 1er septembre 2020 supprime la phase initiale de la conciliation.

Dans la loi actuelle la demande initiale en divorce ne comporte que l’énoncé des mesures provisoires dont l’époux demandeur sollicite l’application pendant la durée de la procédure. A partir du 1er septembre 2020, le demandeur devra directement formuler ses demandes définitives dans le cadre du divorce.

Toutefois il sera toujours possible de demande des mesures provisoires dans le cadre de l’instance dès le début de la procédure.

Une audience de procédure dédiée sera mise en place systématiquement sauf si les parties y renoncent (ou la partie seule constituée si l’autre partie est défaillante) .

Le nouvel article 254 du Code civil prévoit : « Le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent, une audience à l’issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l’existence des époux et des enfants de l’introduction de la demande en divorce à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux. »

La liste des mesures provisoires n’est pas modifiée (article 255 et 256 du Code civil)

Le projet de décret modifie l’article 1117 du CPC :

Article 1117 CPC  ( projet de décret) : «  A peine d’irrecevabilité, les demandes relatives aux mesures provisoires  prévues aux articles 254 à 256  du code civil sont faites dans une partie distincte des demandes au fond dans l’acte de saisine ou dans les conditions prévues à l’article 791 ( jour fixe) .

Les parties ou la seule partie constituée, qui renoncent à formuler une demande de mesure provisoires au sens de l’article 254 du Code civil l’indiquent au juge avant l’audience d’orientation ou lors de celle-ci.

Chaque partie conserve néanmoins la possibilité de saisir le juge de la mise en état d’une première demande de mesures provisoires jusqu’à la clôture des débats dans les conditions de l’article 791.

Si une ou plusieurs mesures provisoires prévues aux articles 254 à 256 du Code civil sont sollicitées par au moins l’une des parties, le juge de mise en état statue.

Lors de l’audience portant sur les mesures provisoires les parties peuvent comparaître assistés par leur avocat ou être représentées.

Elles peuvent présenter oralement des prétentions  et des moyens à leur soutien.

Lorsqu’il ordonna des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les accords que les époux ont déjà conclus entre eux. »

Le projet de décret prévoit aussi une articulation entre mesures de protection et mesures provisoires :

 Article 1136-13 CPC ( projet de décret)  : «  toutefois si le juge d la mise en état statue au titre des mesures provisoires du divorce dans le champ des mesures prise en application des 3° et 5° de l’article 515-11 du code civil, le mesures concernées de l’ordonnance de protection  cessent de produire leurs effets à compter de la notification de l’ordonnance portant sur les mesures provisoires du divorce. »

Rien n’est dit pour ce qui est des mesures prises antérieurement dans le cadre d’une action en contribution charges du mariage.

Le premier aliéna de l’article 1118 du CPC  ( projet de décret) est maintenu :

« En cas de survenance d’un fait nouveau, le juge peut, jusqu’au dessaisissement de la juridiction, supprimer, modifier ou compléter les mesures provisoires qu’il a prescrites. »

Le deuxième alinéa de l’article 1119 CPC  ( projet de décret) est maintenu :

« En cas d’appel, les modifications des mesures provisoires, s’il y a survenance d’un fait nouveau, ne peuvent être demandées, selon le cas, qu’au premier président de la cour d’appel ou au conseiller de la mise en état….

Mais le premier alinéa de l’article 1119 CPC ( projet de décret) est supprimé : La décision relative aux mesures provisoires est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification. »

Un certain nombre de points restent en suspend :

– Quel sera le régime procédural en cas de demande de mesures provisoires en cours de procédure . L’article 1117 CPC renvoie à l’article 791 ( qui visent les procédures à jour fixe)

– Si les parties renoncent à demander des mesures provisoires, comment informent-elles le tribunal ? Vraisemblablement dans la demande introductive d’instance elle-même ( mais il reste obligatoire  avant d’assigner d’avoir pris une date  pour l’audience d’orientation).

– Et si on doit conclure, dans quel délai ? Le juge fixera -t-il  un calendrier ?

– Les mesures provisoires sont demandées pour une période allant de l’introduction de la demande en divorce à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée.

On demandera donc un devoir de secours ou une pension pour les enfants rétroactifs au jour de la demande en divorce.

– Le juge pourra t- il moduler en fonction des sommes versées spontanément par le débiteur avant l’audience sur les mesures provisoires ?

-L’avocat intervenant  pour le débiteur, doit il  lui conseiller de cesser de payer jusqu’à l’audience sur les mesures provisoires au risque qu’il ait à payer deux fois ?

– En l’absence de mesures provisoires, est -ce le droit commun de l‘indivision qui s’applique ? (la date d’effet du divorce est fixée au jour de la demande) ou le régime de la contribution aux charges du mariage ?

– Quel sera le régime de l’appel des mesures provisoires ? ( seul le deuxième alinéa de l’article 1119 est maintenu dans le projet de décret. )

Un certain nombre de questions restent donc posées concernant ce nouveau régime des mesures provisoires.

Dominique Ferrante

Avocat à PARIS