Nouveau divorce : Les premières audiences et les premières impressions sur la réforme

Les premières audiences d’orientation suite à l’entrée en vigueur de la loi de réforme du divorce judiciaire commencent à peine. Il est bien sûr trop tôt pour avoir le moindre recul sur cette mise en application.

On peut d’ores et déjà dire que même si la présence des époux n’est pas obligatoire à l’audience d’orientation , elle reste souhaitable sauf dans les cas les plus simples dans lesquels les époux ne sollicitent pas de mesures provisoires ou sont d’accord sur l’ensemble des mesures sollicitées. Ces cas sont finalement assez rares puisque si les époux sont d’accord sur tout on recourt volontiers au divorce par consentement mutuel sauf en cas d’éléments d’extranéité.

L’audience d’orientation sera la seule occasion pour les époux de s’exprimer devant le juge et pour le juge la seule occasion de parler avec les époux , encore que ce sera désormais toujours en présence des avocats puisque le juge ne reçoit plus les époux seuls. On peut le regretter , il semblait en effet important que le juge puisse s’entretenir quelques minutes seul à seul avec les parties et ne voit pas le dossier uniquement par le filtre des avocats et des jeux d’écritures.

La présence des époux à cette audience semble donc toujours souhaitable même si le juge ne s’entretiendra plus seul à seul avec les parties.

La deuxième observation est la complexité de la rédaction de l’acte introductif d’instance. Les exigences légales de rappel des textes alourdissent considérablement les actes et relèvent de la politique du parapluie.

Si les avocats peuvent facilement s’en accommoder, (même si c’est le plus souvent inutile , puisque les juges comme les avocats connaissent les textes et que le rappel in extenso dans l’acte l’alourdit considérablement) cela ne facilite pas la lecture pour le justiciable qui va se trouver submergé d’informations difficiles à assimiler. Jusqu’ici on faisait confiance aux avocats pour délivrer à leurs client les informations qui leur étaient nécessaires sans les submerger à chaque paragraphe de l’assignation d’un rappel intégral des textes légaux .

Mais là n’est pas l’essentiel . L’exigence de présenter d’emblée les mesures définitives du divorce est bien plus problématique puisque la plupart du temps les époux qui entament une procédure de divorce n’ont aucune idée des mesures définitives qu’ils souhaitent solliciter. Assez souvent il leur est déjà difficile de se prononcer sur les mesures provisoires destinées à être en application pendant la durée de la procédure.

Il est désormais obligatoire de formuler ces demandes …quitte à les modifier ensuite . On peut douter que cela fasse gagner du temps au tribunal ( c’est le seul objectif de la réforme) cela va en revanche certainement accroître le désarroi du justiciable , surtout du défendeur qui se trouve confronté au divorce qu’il n’a pas initié, et légitimement multiplier les jeux d’écritures et donc le coût de celle-ci. Il y a une brusquerie certaine à obliger le défendeur à formuler d’emblée les mesures définitives d’un divorce auquel il se trouve confronté.

Il est également peu compréhensible pour le justiciable défendeur de devoir faire rédiger des conclusions à son avocat sans savoir sur quoi il doit se défendre.

Il est en effet possible de déposer une demande en divorce sans indiquer le fondement de sa demande qui n’apparaîtra que dans les premières conclusions au fond du demandeur. En attendant le défendeur devra conclure …mais sur quoi puisqu’il ignore le fondement de la demande adverse. Je dois me défendre mais sur quoi?
Que me reproche mon conjoint? A – t-il même quelque chose à me reprocher? La encore on va obligatoirement multiplier les jeux d’écritures. Le défendeur s’il est judicieusement conseillé ne va en effet pas s’avancer dans ses arguments tant qu’il ne connait pas les intentions adverses.

Si le conjoint n’a en effet rien à reprocher à l’autre , il va déposer sa demande sans préciser le fondement et demander lors de l’audience d’orientation à être autorisé à quitter le domicile familial. Cette autorisation donnée par le juge va faire courir le délai d’un an au bout duquel il pourra obtenir un divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Cette autorisation de résider séparément ayant été donnée par le juge , le conjoint défendeur pourra t il invoquer un divorce pour faute au motif d’un abandon du domicile familial?

La troisième observation est la difficulté du nouveau régime des mesures provisoires éventuelles . Jusqu’ici les mesures provisoire entraient en application à la date de l’ordonnance de non conciliation.

On doit désormais solliciter pour chaque mesure une date de mise en application . Le délibéré de l’audience d’orientation, la date du dépôt de la demande en divorce , une date antérieure , une date postérieure? Tous ces choix sont offerts mais méritent réflexion. Et là encore le justiciable va devoir être en mesure de se prononcer dès le début de la procédure. Or il n’aura pas toutes les données au jour de l’introduction de la demande. C’est cette fois ci le demandeur qui est en position difficile . Si les époux vivent ensemble au jour de la demande , doit il demander une pension rétroactive au jour de la demande alors que les époux continent à partager les charges familiales? Et s’il ne le fait pas et que l’autre époux cesse de s’acquitter des charges dès qu’il a connaissance de la demande en divorce?

Evidemment toutes ces difficultés seront peu à peu réglées par le travail des praticiens qu’ils soient juges ou avocats.

La préparation de la procédure va exiger un travail très approfondi entre l’avocat et le justiciable et le justiciable devra s’assurer que son avocat connaît bien la nouvelle loi.

Dominique Ferrante

Avocat à Paris

Nouveau divorce judiciaire . les bonnes questions que doit se poser le demandeur

Dois je indiquer le fondement de ma demande?

La réponse est à tiroirs:

1/ Ce n’est jamais obligatoire . Il est parfaitement possible de déposer une demande en divorce sans indiquer le fondement de sa demande.

2/ c’est parfois même interdit : On ne peut déposer une demande en divorce sur le fondement d’un divorce pour faute. la demande serait irrecevable.

3/ Finalement on précise le fondement de sa demande dans deux cas:

  • lorsque les pourparlers antérieurs entre avocats ont abouti à la signature d’un procès verbal d’acceptation du divorce par acte d’avocats
  • lorsque l’on est séparé du conjoint depuis plus d’un an et en mesure d’en rapporter la preuve.

Dois je demander des mesures provisoires?

La réponse et là aussi à tiroirs :

1/ Si les époux sont séparés, qu’il n’y a pas de biens, pas de dettes et pas d’enfants , il est inutile de demander des mesures provisoires. Mais en général dans ce cas on recourt au divorce par consentement mutuel , sauf si en raison d’éléments d’extranéité le divorce par consentement mutuel n’est pas reconnu dans le pays d’origine d’un des deux époux.

2/Sinon la plupart du temps il sera nécessaire de demander des mesures provisoires qui sont destinée à être en application pendant la durée de la procédure.

Qui aura la jouissance du domicile conjugal? chez qui vont résider les enfants? Quel sera le montant de la pension?

les droits de visite de l’autre parent? ui aura la jouissance de la voiture?

comment se partager les prêts? la jouissance de la résidence secondaire? etc… autant de points à régler provisoirement dans l’attente du jugement de divorce.

Si je demande des mesures provisoires, elles seront appliquées à quelle date?

La nouvelle loi offre la possibilité de demander au juge de fixer une date de mise en application des mesures provisoires , la date pouvant être différente pour chaque mesure. Le choix n’est pas toujours évident et à déterminer avec son avocat.

Dois je avoir réfléchi aux conséquences du divorce?

Oui dès la demande initiale en divorce , le demandeur doit former des demandes définitives en divorce quant à l’usage du nom du conjoint , l’attribution éventuelle du droit au bail, l ‘attribution préférentielle d’un bien , la prestation compensatoire, la résidence des enfants , les droits de visite et les contributions.

Même si le demandeur pourra ultérieurement modifier ses demandes , il doit d’emblée avoir réfléchi aux conséquences définitives du divorce.

Dominique Ferrante

Avocat à Paris