Séparation de corps et séparation de fait

Nombre de justiciables confondent séparation de corps et séparation de fait. Or il s’agit de deux situations juridiques différentes :

La séparation de fait n’est pas  “organisée” dans le cadre d’une procédure judiciaire alors que la séparation de corps donne nécessairement lieu à une décision de justice.

L’action en séparation de corps est régie par les articles 296 et suivants du Code Civil.

Tout comme le divorce, l’action en séparation de corps pourra être introduite sur les fondements suivants :

    • acceptation du principe de la rupture du mariage
    • altération définitive du lien conjugal après deux ans de séparation
    • faute.

Par ailleurs la loi  de programmation de réforme de la justice restaure la séparation de corps par consentement mutuel ( article 298 du Code civil ) . Celle-ci se fera désormais par acte sous signature privée contresigné par avocat et déposé chez un notaire.

La séparation de corps apparaît comme une sorte de divorce atténué:

Les époux n’ont plus l’obligation de vivre ensemble et sont séparés de biens , mais les autres effets du mariage subsistent , notamment le devoir de secours et le devoir de fidélité.

Cette situation peut être temporaire:

Dans tous les cas de séparation de corps, celle-ci peut être convertie en divorce par consentement mutuel ( article 307 du Code civil).

En cas de séparation de corps par consentement mutuel, la conversion en divorce ne peut intervenir que par consentement mutuel.

Dans les autres cas, lorsqu’un seul des deux époux veut obtenir la conversion de la séparation de corps en divorce, il devra respecter un délai de deux ans .

Cette conversion n’est pas automatique et les modalités diffèrent selon le fondement sur lequel la séparation de corps a été prononcée.

Elle nécessite en tous cas l’introduction d’une action en justice destinée à convertir la séparation de corps en divorce.

En tout état de cause pendant la durée de la séparation de corps , la situation des époux est organisée par le juge pour ce qui concerne les modalités de résidence séparée , la pension alimentaire éventuellement due au titre du devoir de secours , la résidence des enfants, la contribution à leur entretien, les droits de visite du parent chez lequel les enfants ne résident pas etc…

A l’inverse, la séparation de fait volontaire n’est pas organisée , si ce n’est par les époux.

Il s’agit d’une situation fréquente dans laquelle les époux vivent séparés sans qu’aucune procédure n’ait été introduite , soit que les époux se soient séparés d’un commun accord, soit que l’un d’eux ait quitté le domicile familial .

Dans ce cas , les époux restent tenus de l’ensemble des obligations du mariage . Ils ne peuvent valablement se dispenser l’un l’autre du respect de ces obligations.

Ainsi, un accord selon lequel les époux se dispensent du devoir de fidélité n’a de valeur que tant que les deux époux le veulent bien. Rien n’empêchera l’un des conjoints d’introduire une action en divorce pour faute pour adultère.

De même, concernant les enfants, les deux époux restent co-titulaires de l’autorité parentale et chacun a le même droit d’héberger l’enfant.

Si un accord amiable intervient pour fixer la résidence des enfants, cet accord repose une fois encore sur la seule bonne volonté des époux.

En cas de manquement à cet accord par l’un des époux , l’autre n’aura aucun moyen de faire respecter l’accord amiablement intervenu.

Il pourra bien entendu s’en prévaloir devant un juge mais sans que ce dernier soit tenu d’entériner cet accord.

La séparation de fait n’a pas non plus de répercussion en tant que telle sur les biens des époux :

Chacun des époux conserve le pouvoir d’administrer les biens communs ( article 1421 du Code Civil).

Chaque époux a à ce titre le pouvoir de passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage et l’éducation des enfants et toute dette ainsi contractée par l’un, engage l’autre solidairement ( art 220 al 1 du Code Civil).

En ce qui concerne les emprunts , cette solidarité n’intervient toutefois que s’ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante ( art 220 al 3 du Code Civil ).

Lorsqu’il existe un compte joint , il est vivement conseillé de le fermer ou de le transformer en compte indivis.

De même , il est recommandé de conserver la preuve des économies communes existantes au moment de la séparation , de crainte qu’elles ne soient dilapidées.

Enfin , l’époux qui est resté dans le logement familial n’a aucun droit d’en interdire l’accès à son conjoint ni de changer les serrures.

Si les époux veulent échapper à cette insécurité juridique , il leur appartient de saisir le juge pour organiser leur séparation.

Les époux ne sont pas pour autant contraints d’introduire une action en divorce.

Le juge aux Affaires familiales pourra ainsi statuer sur la contribution aux charges du mariage ( art 214 du Code Civil) et les mesures concernant les enfants ( art 373-2 du Code Civil ).

De plus , lorsqu’un époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille , le Juge aux Affaires Familiales peut , à la demande de l’autre conjoint , prescrire toutes les mesures urgentes nécessaires à la protection des intérêts familiaux ( art 220-1 du Code Civil ).

En cas de violences conjugales mettant en danger le conjoint ou les enfants , le juge peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement familial.

Le juge se prononce également sur les mesures concernant les enfants et la contribution aux charges du mariage.

Mais les mesures prises en application de l’article 220-1 du Code Civil sont provisoires.

A terme , si les époux veulent que leur situation soit juridiquement organisée, ils devront introduire une procédure en divorce ou en séparation de corps.