Divorce : suppression de l’audience de tentative de conciliation

Le parlement a adopté le 19 février 2019 le projet de réforme de la justice, contesté par de très nombreux professionnels depuis des mois. Le texte fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel déposé le 21 février.

En matière de divorce, le texte prévoit notamment la suppression de l’audience de tentative de conciliation.

Le sénat s’est  opposé en vain à cette suppression.

Les nouvelles dispositions législatives devraient donc prévoir que les époux forment directement une demande en divorce,  alors que jusqu’ici la requête initiale demandait  exclusivement l’adoption de mesures provisoires.

Or en matière de divorce judiciaire, les mesures provisoires  sont indispensables dans la très grande majorité des cas, sauf à laisser les époux  dans un flou juridique total,  pour organiser leur séparation dans l’attente du divorce.

Dans certains cas, les époux pourront s’entendre, mais bien souvent  les désaccords entre les époux justifient l’intervention du juge dès le début de la procédure.

Il est assez rare que les époux aient déjà en tête au moment où l’un d’eux décide de divorcer, les mesures définitives qu’ils souhaitent voir adopter dans le cadre de le leur divorce. Il est encore plus rare que les deux époux s’entendent d’emblée sur ces mesures.

Avant de chiffrer le montant d’une prestation compensatoire , ou de décider si on veut à tout prix un divorce pour faute, il convient d’organiser matériellement la séparation des époux.

Qui va rester au domicile conjugal?

Chez qui vont résider les enfants?

Quel va être le montant de la pension?

A quel rythme le parent non gardien va voir ses enfants?

Comment va être répartie la prise en charge des  dettes ou emprunts?

Qui va jouir de la voiture, de la maison de campagne?

De multiples questions pratiques se posent lorsque des époux se séparent, à fortiori s’ils ont des enfants et/ou possèdent un ou des biens immobiliers.

Dans l’ordonnance de non conciliation, le juge fixait toutes ces mesures provisoires destinées à être en application pendant la durée de la procédure.

Cette première décision de justice apaisait aussi souvent  la situation et permettait aux époux de réfléchir sereinement à la suite de la procédure. Elle permettait aussi à leurs avocats d’explorer les possibilités de rapprochement pour arriver à un accord.

A l’avenir les mesures provisoires ne feront plus l’objet d’une requête initiale en divorce.

Elles pourront toutefois être demandées en même temps que la demande de divorce .

Les mesures provisoires seront donc adoptées dans le cadre de la mise en état et on peut douter qu’il y ait le moindre gain de temps pour les époux.

Dominique FERRANTE

Avocat à PARIS

Sur les mesures provisoires consulter l’article Bien préparer l’ordonnance de non conciliation

 

 

 

Bien préparer l’ordonnance de non conciliation

Suite au dépôt d’une requête en divorce , le greffe convoque les époux pour une première  audience.

Dans un premier temps le juge va adopter les mesures provisoires destinées à être en application pendant la durée de la procédure.

Cette audience est appelée tentative de conciliation car il appartient au juge de tenter de concilier les parties. En réalité à cet égard , il se limite à vérifier que le demandeur est décidé à poursuivre la procédure.

Dans la quasi-totalité des cas le juge va donc  constater que la conciliation ( réconciliation) n’est pas  possible et ordonner les mesures provisoires qui vont rentrer en application pour organiser la vie familiale pendant la durée de la procédure de divorce. Ces mesures donnent lieu à une décision de justice: l’ordonnance de non conciliation.

Dans cette décision , qui va s’imposer aux parties, le juge va décider de mesures importantes qui sont décrites de manière non exhaustive à l’article 255 du Code civil :

Le juge peut notamment :

1° Proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;

2° Enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation ;

3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;

4° Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation ;

5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;

6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;

7° Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;

8° Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;

9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;

10° Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.”

Ainsi le juge va organiser provisoirement la vie familiale , en considération des accords éventuels des époux  .

Qui aura la jouissance du   domicile familial?
Comment vont être réparties les charges des époux ( notamment les emprunts)?
Si les époux sont propriétaires du logement , celui qui va y demeurer en aura-t-il la jouissance à titre gratuit ou à titre onéreux?
Lorsque les revenus des époux sont différents , le moins fortuné pourra -t- il prétendre à une pension au titre du devoir de secours?
Où vont résider les enfants?
Quel sera le montant de la pension alimentaire ?
Quels seront les droit de visite et d’hébergement  du parent chez lequel les enfants ne résident pas?
Comment seront répartis les éventuels frais de scolarité, les dépenses exceptionnelles, les frais de transport?
Comment seront répartis les impôts?
Qui va garder la voiture?
L’un des conjoints a -t-il droit à une provision sur part de communauté ou à une provision  pour l’aider à, payer ses frais de procédure?
Y a-t-il lieu de désigner un expert pour préparer la liquidation du régime matrimonial ou estimer une prestation compensatoire?

Une médiation est-elle envisageable?
Autant de questions déterminantes qui vont être tranchées par le juge lors de l’audience.

A défaut d’accord entre les époux sur ces mesures provisoires, il est donc essentiel de préparer très soigneusement le dossier avec son avocat.

Les mesures qui seront adoptées sont certes susceptibles d’appel, mais l’appel est long et onéreux et il est toujours plus difficile d’obtenir un jugement de divorce favorable après une mauvaise ordonnance de non-conciliation (dite ONC).

L’ONC va donner le ton  pour la suite de la procédure . Le dossier sera attribué au même cabinet et le juge n’aura pas envie  de revenir sur les dispositions qu’il a lui même adoptées.
On pourra  obtenir une modification des mesures adoptées initialement  si un fait nouveau survient pendant la durée de la procédure. Mais là encore , la demande qui sera alors formée dans le cadre de la “mise en état” du dossier de divorce , nécessitera de nouvelles conclusions  des avocats et une nouvelle audience , ce qui alourdira la procédure et en augmentera le coût.

Pour réussir son divorce , il faut donc avant tout réussir son ordonnance de non-conciliation.

L’avocat doit donc effectuer un travail très approfondi dès le début du dossier pour préparer cette audience, au risque de compromettre la suite de la procédure.

En outre une préparation soigneuse de la conciliation donne également l’opportunité à l’avocat d’échanger avec son  confrère pour tenter d’aboutir à un accord. Un accord  sur les mesures provisoires allégera la suite de la procédure même s’il s’agit d’un accord partiel.

Dominique Ferrante

Avocats à Paris

Vous pouvez consulter les articles suivants sur ce blog :

La situation juridique des époux pendant la procédure de divorce

Divorce : durée des mesures provisoires adoptées lors de l’ONC

Divorce : Modification des mesures provisoires en cours d’instance

La jouissance du logement familial pendant la procédure de divorce

Divorce : Que se passe-t-il après l’ordonnance de non conciliation?

Divorce : Obtenir la jouissance d’un bien qui appartient au conjoint

Départ du domicile familial : sauvez les meubles!

Divorce : jouissance du domicile à titre onéreux

Sortir d’une procédure de divorce très conflictuelle

Non seulement le divorce pour faute existe toujours mais certaine procédures se révèlent particulièrement conflictuelles. Même dans l’hypothèse où les époux ont signé un procès verbal d’acceptation du divorce ou ont accepté une procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal , ils peuvent néanmoins se déchirer des années durant sur les mesures accessoires au divorce et sur ses conséquences.

Dans certains cas les enjeux financiers importants et les intérêts évidemment contraires des époux peuvent expliquer que le conflit perdure.

Le plus souvent  toutefois l’irrationnel s’en mêle et la procédure est  utilisée inconsciemment pour régler les comptes non seulement sur le plan financier mais également sur le plan affectif.

La blessure est parfois si grande qu ‘un accord est inenvisageable…pourtant les justiciables sortent en réalité rarement gagnants  d’un très long divorce conflictuel.

Une procédure conflictuelle complexe est bien évidemment coûteuse, mais également éprouvante. Le conflit entretient le lien et ne permet pas de laisser derrière soi une union pourtant définitivement brisée. Il est plus aisé de reconstruire sa vie sereinement si l’on est définitivement dégagé d’une précédente union.

Conscient de ceci, le législateur   a de longue date fait en sorte de faciliter les accords qui peuvent intervenir entre les époux.

Un divorce peut commencer de façon très conflictuelle , souvent à juste titre et se terminer deux ou trois ans plus tard de manière apaisée. Le temps peut faire son oeuvre et apaiser les tensions et le travail des avocats est également essentiel.

Tout au long d’une procédure, les avocats peuvent en marge de celle-ci travailler à la recherche d’un accord. Les discussions entre avocats sont par nature confidentielles et le juge ne sera jamais informé des pourparlers en cours tant qu’ils n’ont pas abouti.

Suite au dépôt de la requête en divorce les époux sont convoqués à une audience de tentative de conciliation.

Aux termes de l’article 252 du Code civil : “Une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire. Elle peut être renouvelée pendant l’instance.Le juge cherche à concilier les époux tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences.”

Le but est donc de favoriser les accords entre les époux. A défaut d’accord, le juge fixera les mesures provisoires applicables pendant la durée de la procédure.

Dans le cadre de l’audience de tentative de conciliation les parties ont la possibilité de s’entendre sur ces mesures provisoires. Elles peuvent également lors de l’audience accepter le principe du divorce .

Il résulte de l’article 254 du Code civil que  les mesures provisoires sont prescrites ” en considération des accords éventuels des époux.”

l’article 252-3 du Code civil prévoit que : “Lorsque le juge constate que le demandeur maintient sa demande, il incite les époux à régler les conséquences du divorce à l’amiable.”

Par ailleurs aux termes de l’article 255 du Code civil : ”

Le juge peut notamment :

1° Proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;

2° Enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation ;”

Un accord peut également intervenir postérieurement à l’ordonnance de non conciliation, une fois l’assignation délivrée.

Les négociations entre avocats peuvent en effet se poursuivre en marge de la procédure. Si elles aboutissent , l’accord total ou partiel   pourra alors être entériné par le juge.

A défaut d’accord total, les parties peuvent arriver à un accord partiel  qu’elles soumettront à l’approbation du juge en échangeant des conclusions concordantes.

Aux termes de l‘article 268 du Code Civil :”Les époux peuvent, pendant l’instance, soumettre à l’homologation du juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce.Le juge, après avoir vérifié que les intérêts de chacun des époux et des enfants sont préservés, homologue les conventions en prononçant le divorce.”

Les époux peuvent également s’entendre sur la liquidation de leur régime matrimonial.
En effet aux termes de l‘article 265-2 du Code civil : “Les époux peuvent, pendant l’instance en divorce, passer toutes conventions pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial.”

En ce qui concerne les causes du divorce , les époux peuvent  à tout moment de la procédure renoncer à un divorce conflictuel :

Aux termes de l’article 247-1 du Code civil : “Les époux peuvent également, à tout moment de la procédure, lorsque le divorce aura été demandé pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage.”

En cas d’accord sur tous les points , les époux peuvent également à tout moment renoncer à la procédure en cours et rédiger une convention de divorce par consentement mutuel. L’article 247 du Code civil prévoit en effet : ” Les époux peuvent, à tout moment de la procédure :

1° Divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire ;

2° Dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci.”.

Enfin , il est également possible en cours de procédure de procéder à une médiation familiale pour rechercher un accord sur certains points, notamment sur l’organisation de la vie des enfants.

Les  dispositions légales relatives au divorce  offrent donc un large choix  aux  époux   de  ” sortir” d’un divorce conflictuel. Encore faut-il que les deux époux ( et les deux avocats) soient prêts à engager la discussion.

La loi les y encourage et c’est heureux.

Dominique Ferrante

Avocat à Paris

Vous pouvez consulter sur ce blog les articles suivants:

Peut-on changer de forme de divorce en cours de procédure?

Les différentes procédures de divorce en France

Divorce : Que se passe-t-il après l’ordonnance de non conciliation?

Dans le cadre d’un divorce judiciaire, l’ordonnance de non conciliation  ( ONC) est une étape importante qui va organiser la vie des époux et plus largement de la famille pendant la durée de la procédure de divorce.

Que se passe-il après l’ordonnance de non conciliation? 

Dans les trois mois qui suivent le prononcé de l’ONC seul l’époux qui a déposé la requête en divorce peu poursuivre la procédure en divorce en faisant délivrer l’assignation en divorce. L’ONC a organisé la vie familiale pendant la procédure. l’assignation va comporter les demandes définitives du divorce  et le juge statuera  sur les causes du divorce ( divorce accepté, divorce pour faute ou divorce pour altération définitive du lien conjugal) et sur les conséquences du divorce entre les époux et relativement aux enfants.

Si l’époux demandeur n’a pas assigné dans un délai de trois mois, l’autre époux peut alors lui aussi faire délivrer l’assignation.

Que se passe-t-il si aucun des deux époux n’assigne en divorce? 

Si aucun des deux époux n’a assigné dans un délai de trente mois , l ‘ONC devient caduque et il faut recommencer la procédure. Le divorce ne sera donc jamais prononcé automatiquement après l’ONC .

Dans quel délai le jugement est rendu après l’assignation? 

Une fois l’assignation délivrée, la dossier va être “mis en état” au tribunal. les avocats vont échanger leur pièces et conclusions ( argumentation écrite). Il faut selon les juridictions compter entre 9 mois et un an avant que le jugement de divorce soit rendu.

Que se passe-t-il en cas d’appel de l’ONC? 

Il est possible de faire appel de l’ONC dans un délai de quinze jours à compter de la signification. Toutefois l’appel de l’ONC n’empêche pas d’assigner en divorce. la procédure de divorce pourra donc suivre son cours.

Est-il possible de passer à un divorce par consentement mutuel en cours de procédure après l’ONC? 

Les époux ont la possibilité ouverte par l’article 247 du code civil de passer à un divorce par consentement mutuel sous signature privée contresigné par avocats après l’ONC et même après l’assignation.

Dans ce cas , la procédure engagée sera abandonnée au profit d’un divorce par consentement mutuel.

Vous pouvez consulter l’article ci dessous sur le changement de procédure en cours de divorce http://www.ferranteavocat.com/peut-on-changer-de-forme-de-divorce-en-cours-de-procedure/

Et l’article suivant sur la préparation de l’audience de conciliation Bien préparer l’ordonnance de non conciliation

Dominique Ferrante

Avocat à PARIS