Prestation compensatoire : révision des rentes viagères

Aux termes de l’article 276 du Code Civil , à titre exceptionnel, le juge peur par décision motivée , lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins; fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère . L’article 276-3 prévoit que la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée , suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties.

par ailleurs, l’article 33 VI de la loi N° 2004-439 du 26 mai 2004 , prévoit que les rentes viagères fixées par le juge ou par convention avant l’entrée en vigueur de la loi N° 2000- 596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, peuvent être révisées, suspendues ou supprimées à la demande du débiteur ou de ses héritiers lorsque le maintien en l’état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères posés par l’article 276 du Code Civil.

Dans un arrêt du 20 janvier 2010, la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation ( arrêt 08/17763) vient de sanctionner la Cour D’appel d’Aix en Provence au motif qu’elle n’avait pas rechercher ,pour débouter Monsieur de sa demande de suppression de la rente viagère mise à sa charge, si, même en l’absence de tout changement dans la situation des parties , le maintien en l’état de la rente viagère ne procurait pas au créancier un avantage manifestement excessif permettant d’obtenir la révision judiciaire de la prestation compensatoire.

Le juge ne peut donc pas se borner, pour rejeter une demande en révision de la prestation compensatoire, à évaluer les ressources et les besoins des parties, il doit également vérifier que le versement de la rente ne procure pas au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères de l’article 276 du Code civil.

Liquidation de régime matrimonial : les comptes ouverts au nom des enfants font-ils partie de la communauté ?

Pendant le mariage, il est fréquent que des époux ouvrent des comptes au nom de leurs enfants.

Dans l’espèce soumise à la première chambre civile de la Cour de Cassation ( arrêt N° 0820055 du 6 janvier 2010), des époux avaient ouverts des comptes épargne logement au nom de leur quatre enfants mineurs. Postérieurement au divorce, Monsieur avait assigné son ex-épouse en partage de la communauté. Il reprochait à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les sommes déposées sur les comptes des enfants ne devaient pas être intégrées dans l’actif commun. Chaque enfant avait eu à sa majorité la libre disposition des de ses comptes. La décision de Cour de Cassation est claire :

Dès lors que les parents avaient entendu transférer la propriété des fonds litigieux à leurs enfants, l’intention libérale et le caractère définitif et irrévocable de l’opération est établi et les comptes des enfants ne font pas partie de l’actif de la communauté.

Pour qu’il en soit autrement, il aurait fallu que le mari établisse que les sommes avaient été placées sur le compte des enfants à titre provisoire ; a défaut, il est établi que les parents ont bien entendu transférer la propriété des fonds à leurs enfants.

Divorce aux torts exclusifs pour abandon moral et financier

Le divorce peut être prononcé aux torts exclusifs d’un époux pour abandon moral et financier. En l’espèce cet abandon était établi par une simple attestation du médecin traitant et l’existence d’une procédure de paiement direct. Il vrai que le mari avait en outre été sanctionné pour violences conjugales. Il n’en demeure pas moins que la Cour de Cassation vise expressément l’abandon moral et financier, grief fréquent qui peut donc utilement être invoqué ( Civ 1ère 9 décembre 2009 908 17 134)

Le devoir de secours ne prend fin que lorsque le divorce prend force de chose jugée

Des époux divorcent en mars 1996. L’appel est dans un premier temps limité à la prestation compensatoire , avant qu’un appel général soit régularisé.

L’épouse est-elle fondée à réclamer le paiement après le jugement de première instance de la pension alimentaire mise à la charge du mari pour l’ONC ou bien le devoir de secours a-t-il pris fin dès le prononcé du divorce en 1996 ?

La Cour d’Appel avait considéré que les époux avaient acquiescé de manière implicite mais certaine au jugement de première instance en limitant leur appel et les conclusions prises à la prestation compensatoire.

Mais dès lors qu’un appel général avait ensuite été régularisé, peu importe que les conclusions des parties se soient limitées à, certains chefs du jugement.

La 2ème chambre civile de la Cour de Cassation, dans son arrêt du 17 décembre 2009 , sanctionne donc la Cour d’Appel et rappelle sur le fondement de l’article 1015 du NCPC que “la décision prononçant de divorce dissout le mariage, non pas au jour de son prononcé, mais à la date à laquelle elle prend force de chose jugée ”

Liquidation de régime matrimonial : Séparation des biens, acquisition de biens indivis

La première chambre civile de la Cour de Cassation a rendu l’arrêt suivant le 8 juillet 2009:

Le divorce est prononcé entre deux époux mariés sous le régime de la séparation des biens. Le mari est condamné à payer une prestation compensatoire.

L’ex-épouse saisit le Tribunal d’une demande de partage des biens acquis en indivision pendant le mariage.

Le mari conteste le caractère indivis de ces biens en faisant valoir qu’il a seul financé ces acquisitions.

La Cour d’Appel, approuvée par la Cour de Cassation, considère néanmoins que ces biens constituent des biens communs. Aux termes de l’acte de vente, ces biens ont été acquis indivisément. L’époux qui acquiert un bien pour son compte, même à l’aide des deniers de son conjoint, en devient propriétaire sans égard à la façon dont cette acquisition a été financée. 

Prestation compensatoire et appel : date d’appréciation des disparités

Dans un arrêt du 5 mars 2008, la première chambre civile de la Cour de Cassation a rappelé qu’en cas d’appel général d’un jugement de divorce, le juge doit apprécier les disparités au moment où il statue.

Si l’appel est général ( comme c’était le cas en l’espèce ), le principe même du divorce n’étant pas acquis, c’est au jour où ils statuent que les juges d’appel doivent se placer pour apprécier l’existence et l’étendue d’un droit à prestation compensatoire.

Au contraire, lorsque l’appel est limité à la prestation compensatoire, le jugement de divorce étant devenu définitif, c’est à la date du jugement de divorce que le juge d’appel doit se placer pour apprécier la prestation compensatoire.

Divorce pour faute : adultère excusé

L’adultère demeure une cause de divorce mais on sait que le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation au regard des circonstances. Les juges du fonds apprécient souverainement si le caractère légal de la gravité de la faute est ou non établi, en tenant compte notamment de l’attitude de l’époux demandeur. La Cour de cassation a ainsi approuvé une Cour d’Appel qui a considéré que l’adultère du mari était excusé par l’inconduite notoire et publique de la femme, cet adultère n’étant pas à l’origine de la rupture du lien conjugal ( cass civ 2ème 24 10 1990). Dans un arrêt du 28 janvier 2009, la première chambre civile approuve la Cour D’appel d’avoir prononcé le divorce aux torts exclusifs de la femme , considérant que la Cour d’Appel a souverainement estimé que les faits d’alcoolisme invoqués par le mari à l’encontre de son épouse étaient établis et que l’adultère du mari ( postérieur à la séparation ) était excusé par le comportement fautif de l’épouse . En l’espèce le comportement fautif de l’épouse et la date à laquelle l’adultère a commencé font perdre à l’adultère le caractère de gravité qui en ferait sans cela une cause de divorce. Ainsi, plus l’adultère sera tardif par arpport à une rupture dont il n’est pas la cause, moins il aura les caractéristiques de la faute conjugale de l’article 242 du Code Civil.

Appel général et divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage

Rien n’empêche l’un des époux dans le cadre d’un divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage ( art 233 234 du Code Civil) d’interjeter un appel général. La Cour de cassation l’avait expréssément affirmé pour ce qui concerne l’ancien divorce accepté ( Civ 1ère 4 juin 2007 ).

Saisie pour avis, la Cour réaffirme sa position pour le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage ( avis du 9 juin 2008). Dans ce cas, l’acceptation du principe de la rupture n’est pas susceptible de rétractation, même par voie d’appel.
On peut se demander si l’appel général concerne seulement les conséquences du divorce, celui-ci devant être considéré comme définitivement prononcé et ayant notamment mis fin au devoir de secours.

La Cour considère que l’appel général d’un jugement de divorce art 233 234 du Code Civil ne met pas fin au devoir de secours, la décision n’acquérant force de chose jugée qu’près épuisement des voies de recours, même si par ailleurs l’acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut plus être remise en cause sauf vice du consentement. La solution présente l’intérêt pratique pour l’appelant de conserver le bénéfice des mesures provisoires.

Divorce pour faute : Etat dépressif

Le défaut d’attention et l’agressivité manifestée par l’épouse à l’encontre de son mari alors que celui-ci souffrait d’un état anxio-dépressif sévère justifiant son classement en invalidité totale, constituait une faute au sens de l’article 242 du Coce civil. La Cour de Cassation confirme le divorce aux torts exclusifs de l’épouse, bien que le mari ait eu lui aussi une attitude hostile mais qui selon la Cour n’était que la manifestation d’un conflit lié à la séparation, sans en être la cause. ( Cass Civ 1ère 19 11 2008 N° 08-10214).

La décision paraît sévère tant il peut s’avérer difficile de partager sa vie avec un conjoint atteint de troubles psychologiques sévères.

Attestations : Contôle de la dénaturation par la Cour de Cassation sur le fondement de l’article 1134 du Code Civil.

Il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement la valeur probante des témoignages recueillis ainsi que leur sens et leur portée ( Cass civ 2ème 12 mai 1971 bull civ 11 N° 172 ).

Il convient d’être attentif à la rédaction de ces attestations et de respecter les dispositions de l’article 202 du NCPC ( voir précédente chronique sur ce point ). La relation des faits doit être précise et datée.

Dans un arrêt du 19 novembre 2008 ( N° 07-17154) , la première chambre civile de la Cour de Cassation a sévèrement sanctionné des attestations insuffisamment précises.

En l’espèce , pour accueuilir la demande en divorce formée par le mari, la Cour d’Appel s’était fondée sur 4 attestations produites par le mari qui démontraient que la femme entretenait une relation extra-conjugale avant même l’ordonnance de non-conciliation. La cour de cassation considère que la Cour d’Appel a dénaturé ces attestations et violé l’article 1134 du Code Civil dans la mesure où trois des attestations , produites après l’ONC ,ne précisaient pas à quelle date l’épouse avait entretenu des relations adultères et où la quatrième attestation ne faisait pas mention de ces relations.